C’est un élu humble et modeste qui a modifié sa page facebook, peu après son élection, pour que la France entière sache qu’il était devenu une » personnalité politique « . Et voyez comme les Biarrots sont méchants, il y a même eu des citoyens ordinaires pour se gausser du petit socialiste devenu paon, alors qu’un septième adjoint chargé du Tourisme, de l’Économie et des Nouvelles Technologies d’une cité mondialement connue comme Biarritz, aurait dû faire taire les rieurs, en mettant la mention qui s’impose : » Homme d’État « .
Mais revenons à l’histoire qui fait bien rire la Ville depuis juillet. Si certains des élus de gauche sont irréprochables, d’autres, à Biarritz, semblent manifester une conception du service public qui se résume au » Moi d’abord ! « . On se souvient tous du nouvel adjoint aux Finances de Didier Borotra, le nécessiteux Guy Lafite, qui avait revendiqué en 2008 un abonnement gratuit au BO pour aller voir les matches. François Amigorena, son directeur de campagne et numéro 3 de sa liste, semble bien décidé à chausser les sabots à crampons de son maître à penser. L’homme vient de s’installer dans le centre ville, dans un appartement dépourvu de garage, ce qui est tout à fait son droit. Tout le conseil municipal bénéficiant d’une carte de stationnement gratuit, comme en convient volontiers l’élu, on ne voit guère où est le problème. Par discrétion, nous tairons son adresse, située quelque part entre la place Clémenceau et le musée Asiatica, à quelques centaines de mètres des parkings gratuits et longues durées où les Biarrots laissent leurs véhicules.
Mais, tout comme Alain Juppé récemment, l’idée de partager le trottoir avec le commun des mortels ne doit pas être du goût de l’élu qui estime devoir bénéficier de facilités.
Monsieur ne supporte pas l’anonymat
Le surmené adjoint au Tourisme se présente donc début juillet à l’hôtel le plus proche et tombe sur une charmante hôtelière, habitant Biarritz depuis des décennies, qui, affront suprême, ne le reconnait pas.
– Bonjour, j’ai vu qu’il y a une petite impasse derrière votre établissement. Est-ce que je pourrais stationner mon véhicule?
– Monsieur, les places appartiennent à des riverains ou sont réservées aux clients de l’hôtel, ce n’est absolument pas possible.
François Amigorena, surpris qu’on lui résiste, sort alors l’argument suprême : » Je suis même prêt à vous donner un peu d’argent » . On admirera la sagesse du socialiste qui, pour ses dépenses privées, ne sort » qu’un peu » d’argent.
La dame ne baisse visiblement pas pavillon et ne veut rien entendre. L’élu, excédé, jette alors sa carte de visite sur le comptoir : « Vous n’allez pas tarder à savoir qui je suis « .
Ébahie, la patronne de l’hôtel appelle alors son mari, après le départ de l’intrus. Les deux détaillent la fameuse carte. Sous le nom, une simple mention « Adjoint au maire », suivie, pour bien montrer l’internationalisme du poste de « Deputy-Mayor ». À croire que l’imprimeur n’avait plus de chiffres à disposition pour préciser que notre élu est seulement 7e adjoint de la Ville ( » une carte conçue et imprimée par le Service Communication de la Ville « , se défend François Amigorena).
Raconté par l’élu, qui a répondu à ma demande d’explication et ne dément pas, tout devient évidemment beaucoup plus soft : » En ce qui concerne mon véhicule personnel, j’ai en revanche repéré une voie privée proche de mon nouveau domicile et suis allé à la rencontre de 4 ou 5 riverains afin de savoir s’il serait possible de m’y garer, le cas échéant moyennant finances. J’ai bien sûr effectué ces démarches sans jamais faire état de mon statut d’adjoint au maire, s’agissant d’une affaire strictement privée. (…) S’agissant d’une hôtelière et profitant de l’occasion, je me suis alors, et seulement alors, présenté comme adjoint au tourisme, lui ai laissé une carte de visite et ai rapidement pris congé. «
Défense de rire ! François Amigorena, titulaire d’une autorisation de stationnement illimitée, affirme rechercher une place pour son véhicule personnel, « sans jamais faire état de son statut d’adjoint au maire« … tout en reconnaissant avoir laissé sa carte de visite à l’hôtelière. Comprenne qui peut!
Monsieur revient à la charge
Ce que notre élu ne raconte pas, c’est que trois jours plus tard, persuadé que les manants de son quartier ont enfin mesuré qui il était, le suzerain local vient poser son fier destrier à quatre roues dans l’impasse. Cette fois, c’est un voisin qui lui signale qu’il stationne sur un emplacement appartenant à un lointain descendant du général de Gaulle, peu enclin à s’en laisser conter par un élu socialiste. Notre adjoint va vite fuir et n’y plus revenir.
« L’attitude de cet élu était au minimum arrogante, limite menaçante« , précise l’hôtelière qui n’est toujours pas revenue d’un tel culot. Car il faut bien comprendre qu’en cas de difficultés concernant leur établissement, c’est avec cet adjoint que devra traiter cette vieille famille biarrote et que le moindre des tacts républicains aurait été pour l’élu de s’abstenir de formuler une telle demande.
Mais, finalement, d’un mandat à l’autre, c’est toujours le même refrain que l’on retrouve. Les élus biarrots s’octroient des privilèges, franchissent la ligne jaune, mais rien n’est jamais grave à les écouter. Michel Veunac, ancien adjoint de Didier Borotra, devenu maire depuis peu, emprunte à un taux défiant toute concurrence, de l’argent à un des fournisseurs de la Ville, mais ce n’est » pas illégal « , aux dires de l’intéressé, puisque cet imprimeur ne dépendait pas directement de lui. Pour un peu, on va le féliciter ! Cette année, un responsable du tourisme, chargé de traiter directement avec les hôtels de la Ville, n’hésite pas à quémander une place gratuite, puis, à la rigueur légèrement payante, à des gens avec qui il va être amené à travailler, mais, à l’entendre, là aussi, tout est absolument normal. On croit rêver!
Monsieur a de l’humour
Peu après cette étrange élection municipale, où les reports de voix entre les deux tours ont été particulièrement étonnants et les signatures des votants sérieusement malmenées, François Amigorena n’avait pas hésité à parler d’un « petit blogueur, gros menteur » à mon propos. Je suis ravi de lui retourner aujourd’hui le compliment. Et comme décidément le stationnement rend fou les élus à Biarritz et obsède notre Amigrosrenard de service, voici une photo dénichée dans sa page facebook, et qui, si on l’en croit, l’a beaucoup fait rire :
On ne lui fait pas dire.
Jean-Yves Viollier
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