Quand l’éditorialiste politique de Sud Ouest devient chroniqueur littéraire, le coup de cœur du jour ne doit pas grand-chose au hasard.
Président de l’association de la presse ministérielle depuis 2018, Bruno Dive est un acrobate hors-pair que j’ai pu admirer pendant seize ans au « Canard enchaîné ». Abonné à Sud Ouest, je pouvais lire le matin ses éditoriaux de centre-droit, bien conformes au lectorat du quotidien régional, puis l’après-midi relire la poignée d’échos qu’il offrait chaque lundi au « Canard », nettement plus épicés à gauche. La cuisine, c’est un art !
Dans Sud Ouest daté du 20 septembre, en plus d’un papier sur Macron, « En ce moment, tout l’énerve », l’éditorialiste politique se fait chroniqueur littéraire en page 30 pour saluer le livre sur Michel Piccoli d’Anne-Sophie Mercier « journaliste au Canard enchaîné » qui signe chaque semaine une « prise de bec » remarquée. » Et pour achever de convaincre le lecteur sur les qualités de l’auteur dotée « d’une plume alerte » Dive se décarcasse : « C’est le grand talent d’Anne-Sophie Mercier de nous aider à percer le mystère de ce personnage public et engagé qui aimait tant se protéger ».
Ce grand distrait de Bruno Dive, tout à sa passion de la littérature, a juste oublié de préciser une chose aux lecteurs : il connaît très bien Anne-Sophie Mercier puisqu’il la croise toutes les semaines au siège du « Canard enchaîné ».
Et comme le renvoi d’ascenseur est décidément un art très pratiqué dans la presse française, comment ne pas être saisi d’émotion en se rappelant en quels termes élogieux, la chroniqueuse littéraire Anne-Sophie Mercier parlait dans « Le Canard » du livre de Bruno Dive, « Au cœur du pouvoir » : « Un livre utile et documenté de Bruno Dive, éditorialiste à Sud Ouest qui a eu accès dans les heures qui ont suivi les attaques aux protagonistes et a recueilli nombre de témoignages inédits ».
Si après tous ces allers et retours dans l’ascenseur qui va vous conduire au septième ciel littéraire, vous n’avez pas envie d’acheter ces deux ouvrages, c’est vraiment à désespérer de tout !
Il y a quelques années, quand un journaliste de « Libération » évoquait le livre d’un de ses collègues, un surtitre intitulé « Spécial copinage » prévenait opportunément le lecteur de la situation. Mais c’était l’époque où la presse écrite manifestait encore un semblant de vertu.